Délaissant ses obsessions Lovecraftiennes, Stuart Gordon réalise un film étrange et noir qui narre la descente aux enfers d’un homme tout à fait ordinaire.
Edmond (William H. Macy) va en une nuit perdre les pédales et commettre les pires atrocités. Au scénario, le spécialiste des histoires à engrenages : David Mamet.
L’association entre le célèbre dramaturge et le vieux routier de l’horreur a de quoi surprendre. Mais, au final, malgré quelques dialogues un peu trop symboliques (surtout vers la fin), Edmond se révèle être une très bonne surprise.
Il faut dire que papy Gordon connaît son métier ; il plonge le spectateur dans une ambiance glauque et sinistre. Le fait qu’Edmond se déroule pratiquement en une nuit renvoie au célèbre film de Scorsese, After Hours, mais, c’est un After Hours pessimiste et dérangeant car on colle au basque d’un fou furieux dont on ne peut prévoir les réactions.
Edmond est un portrait au vitriol d’une Amérique déshumanisée dont les motivations sont avant tout l’argent et le sexe.
Pour incarner Edmond, il fallait un acteur à la hauteur, et là on ne peut qu‘applaudir le choix d’avoir pris William H. Macy (indice 2), excellent acteur, qui peut être à la fois crédible en homme ordinaire mais aussi en monstre.
Clark
4
Quel film ?
Tabou, aka Taboo (Gohatto)
de Nagisa Oshima (1999)
Taxé d’académisme et fraîchement accueilli à sa sortie, Tabou est peut-être le chef-d’œuvre de Nagisa Oshima, un film d’une complexité qu’on ne fera qu'évoquer, vu qu’on ne l’a pas revu depuis sa sortie (ben tiens !) « Qu’est-ce qui reste d’un film ? » épisode 2. :
- Tadanobu Asano (indice 1), star japonaise à sang indien mille fois plus beau et mystérieux que Johnny Depp et Marlon Brando réunis (« Quelqu’un a son numéro de téléphone ? »)
- Des scènes de sexe sans trop de fard avec un acteur à l’androgynie plus que marquée (indice 2).
- Une atmosphère générale de corruption et de complots, dérives habituelles d’une société patriarcale et militaire propice à tous les écarts.
- Une scène où le héros prend le soleil et goûte pour quelques secondes la trop rare beauté du monde
- Le plan final de Kitano tranchant le jeune cerisier (question), l’une des images qui nous a le plus marqués depuis dix ans
Tabou est aussi, dans mon souvenir, un film policier dont les énigmes (meurtres et histoires d’amour impossible) resteront sans réponse, laissant le spectateur dans le trouble et le malaise. A notre avis, un très grand moment de cinéma.
Xtof
Xtof
5
Quel film ?
Le milieu du monde
de Alain Tanner (1974)
La fin de session aidant, on propose des films qu'on n’a pas revus depuis des lustres - ainsi le Milieu du Monde, très rare au demeurant. Qu’est-ce qui reste d'un film, en général ? De celui-ci, des plans de paysage suisse aux quatre saisons qui rythmaient l'histoire et en marquaient l'inéluctable progression. On avait oublié la voix-off très seventies et ce vocabulaire un peu daté mais encore opérant (tous ces mot en "tion" – aliénation, consommation, non, Clark !, pas fella...) On se souvient très bien par contre du couple Olimpia Carlisi et Philippe Léotard qu'on avait trouvé tous deux sidérant de beauté. John Waters pense que la vision d'un film suspend l'orientation sexuelle et que récit, histoire et charme des interprètes aidant, on peut très bien tomber amoureux le temps d'une projection d'un homme, d'une femme, d'un couple. Nous lui donnons amplement raison sur la foi - entre autres - de ce merveilleux film d'Alain Tanner, cinéaste qu'on aime vraiment chez les Idiots (remember la Salamandre en semaine combien déjà ?)
Xtof
Xtof
6
Quel film ?
Le Dernier Face-à-Face (Faccia a Faccia)
de Sergio Sollima (1967)
Encore un western de gauche ? Oui. Il s'agit cette semaine du "Dernier Face-à-Face" de Sergio Sollima qui, comme son nom l'indique, repose d'abord sur la confrontation de deux personnages forts (indice n° 2) : d'un côté, Beauregard (le génial Tomas Milian), bandit amoral et rusé, avatar du Cuchillo de "Colorado", de l'autre Fletcher (Gian Maria Volonte, encore lui !), professeur d'histoire inhibé et pleutre. Les deux hommes vont devenir amis et le film décrit intelligemment l'évolution de chacun au contact de l'autre. Beauregard acquiert peu à peu une conscience politique, tandis que Fletcher révèle progressivement sa part d'ombre. Le talent de Sollima consiste à ne pas limiter l'intrigue à ses deux héros, mais à faire exister la plupart des personnages secondaires, signe de l'humanisme sincère du cinéaste. On retient notamment un dialogue très juste entre Beauregard et un enfant métis (question), ainsi qu'une scène de fête, belle et émouvante. Le scénario fait intervenir un troisième protagoniste avec l'entrée en scène de Siringo (William Berger, impeccable, indice n° 1). On pense tenir avec lui le méchant de convention (impassible, ambigu, vêtu de noir), mais là encore, le récit évolue de manière inattendue. Dans son remarquable "Les Classiques du Cinéma Bis" (éditions Nouveau Monde), Laurent Aknin estime que "Le Dernier Face-à-Face" est "l'un des dix meilleurs westerns italiens de l'histoire du genre, et le sommet de l'œuvre de Sergio Sollima". Je ne saurais le contredire.
Prince Mishkin
7
Quel film ?
The mist
de Frank Darabont (2007)
Doctor Slump
8
Quel film ?
The brave
de Johnny Depp (1997)
Doctor Slump
9
Quel film ?
La cérémonie (Gishiki)
de Nagisa Ôshima (1971)
Scalpaf
10
Quel film ?
1900 (Novecento)
de Bernardo Bertolucci (1976)
Scalpaf
11
Quel court-métrage ?
Visa de censure
de Pierre Clémenti (1968)
Pierre Clémenti aurait pu être le nouveau Alain Delon. En effet, son talent, sa beauté et le succès de Benjamin ou les mémoires d’un puceau aurait pu lui offrir une tranquille carrière commerciale. Mais, Pierre Clémenti s’en foutait, il a préféré aller tourner chez Garrel, Rivette ou bien Glauber Rocha.
Outre sa longue carrière d’acteur, Clémenti a réalisé quelques films. Ses films sont à son image :révolté, engagé et libre.
Réalisé sur une période de 8 ans, Visa de censure est une explosion d’images psychédéliques qui regroupe l’intime (Clémenti filme ses proches, dont Jean-Pierre Kalfon, indice 1), le tribal (de nombreux rites sont montrés), l’époque (la France post 68) et la musique (beaucoup de captations de concerts). Visa de censure est tout simplement hypnotique ; le travail sur la couleur et le montage (complètement frénétique) est prodigieux. On pense à Andy Warhol's Exploding Plastic Inevitable l’incroyable film de Roland Nameth ou bien encore aux films de Stan Brackage.
Bref, Visa de censure est un long poème rock unique et captivant.
Je recommande sa vision à tout amateur de film expérimental et underground.
Disponible en Dvd chez l’éditeur Choses Vues.
Clark
12
Quel film ?
Le Club des Trois (The Unholy Three)
de Tod Browning (1925)
Lylah Clare
13
Quel film ?
Echoes of silence
de Peter Emmanuel Goldman (1967)
Un homme visite un musée. Il ne regarde pas les toiles ; il regarde les visiteuses qui ne font pas attention à lui. L’homme aimerait aborder ces femmes mais il n’y arrive pas.
Cela donne lieu à un ballet de corps et de regards.
Cette magnifique séquence est tirée d’Echoes of silence de Peter Emmanuel Goldman, film, malheureusement peu connu. Très inspiré par la Nouvelle Vague, Echoes of silence suit un groupe de jeunes gens New-Yorkais. Sans aucunes paroles, avec seulement quelques notes jazzy, Goldman arrive à nous faire ressentir toute la solitude et la mélancolie de ces personnages. Le grand thème d’Echoes of silence, c’est la solitude urbaine ; les personnages de Goldman évoluent dans des endroits de passage et de foule (rue, musée,bar…) sans parvenir à nouer le moindre contact et si contact il y a, il débouche sur des amours sans lendemains. La grande force de ce beau film c’est justement la mise en scène de Goldman qui mélange photographies, peintures (indice 1) et surtout qui filme au plus près des corps et des visages.
A la vision d’Echoes of silence, on pense aux premiers essais de Cassavetes (Shadows qui est, pour moi, nettement inférieur au film de Goldman) et de Scorsese.
Echoes of silence ainsi que Wheel of Ashes (avec Clémenti, tiens,tiens…) vont bientôt être édité en Dvd.
Clark
14
Quel film ?
Du Sang dans la Poussière (The Spikes Gang)
de Richard Fleischer (1974)
Film relativement méconnu de Richard Fleischer, "The Spikes Gang" est une fable sombre et désenchantée, qui filme magistralement l'agonie du western. Le récit démarre sur le mode picaresque : trois amis, adolescents naïfs (Ron Howard, Charles Martin Smith et Gary Grimes, indice n° 1), décident de partir à l'aventure et s'improvisent braqueurs de banques. Ils font alors la connaissance de Harry Spike (Lee Marvin, indice n° 2), hors-la-loi vieillissant, qui les prend sous son aile et accepte de les "éduquer". Faux conte initiatique, "The Spikes Gang" démythifie cruellement l'idéalisme de ses cowboys d'opérette : l'esprit pionnier du far-west est un leurre et le mentor qu'ils se sont choisi les trahit à la première occasion. Rarement l'épopée du western aura donné lieu à une telle débâcle et le film étonne par son pessimisme. Oeuvre crépusculaire hantée par les images de mort (question), "The Spikes Gang" offre également à Lee Marvin l'un de ses plus beaux rôles : figure paternelle cynique et dévoyée, Harry Spike révèle malgré tout une humanité paradoxale qui annonce "Unforgiven" et ses antihéros.
Prince Mishkin
15
Quel film ?
Les Deux Orphelines (Orphans of the Storm)
de D. W. Griffith (1921)
En raison d'un paquet de copies à corriger, mon époux m'a demandé de choisir un film et d'en assurer le commentaire. J'ai décidé de laisser de côté le cinéma bis — ses monstres en latex, ses westerns tournés dans la banlieue de Milan — et de vous présenter une œuvre pionnière, créée par l'un des pères fondateurs du cinéma : David Wark Griffith. "Les Deux Orphelines" est une pièce du répertoire populaire qui n'inspira pas moins de quinze (!) adaptations cinématographiques (mon mari me signale qu'il préfère la version de Riccardo Freda, tournée en 1965... Mishkin, fous-moi la paix et retourne à tes corrections !). Naturellement "Orphans of the Storm" est la meilleure et la seule, selon moi, à mériter le label "classique". Située à l'aube de la Révolution Française (indice n° 1), l'histoire est un pur mélodrame qui nous invite à suivre les aventures des sœurs Girard — Louise et Henriette (indice n° 2) — abandonnées à la naissance et victimes de toute la cruauté du monde. Le cinéaste brosse un portrait de la noblesse décadente et de ses turpitudes (question), mais surtout, il en profite pour mettre en pratique ses théories sur le montage parallèle dans le domaine de la narration. Bien que tourné il y a près d'un siècle (!), "Orphans of the Storm" étonne par son caractère atemporel et pourra convertir les plus réfractaires à la beauté du cinéma muet.
Princesse Mishkin
16
Quel film ?
Fortunat
de Alex Joffé (1960)
Films non revus - épisode n-1. Fortunat pour sa pudique romance entre Michèle Morgan et Bourvil (beau couple, même si on ne dirait pas). Joffé, étrange cinéaste dont on n’a vu d’autre que les Cracks (rien de commun entre les deux, à part Bourvil) est peut-être à redécouvrir. Les yeux de lynx auront reconnu en question notre ministre de la Culture encore fréquentable mais déjà assoiffé de reconnaissance.
Xtof
Xtof
17
Quel film ?
The Faculty
de Robert Rodriguez (1998)
Mrs Muir
18
Quel film ?
Sweet Dreams
de Karel Reisz (1985)
"Encore une histoire d'amour proposée par Xtof cette semaine ? Mais qu'est-ce qui lui arrive ?" Euh, rien...(bouhouhouhouhouh !!!!) Sweet Dreams, quand même, pour dire que Karel Reisz, ça n'est pas tout à fait de la gnognotte. On tient peut-être même là le biopic suprême - la vie pas si glop de la chanteuse country Patsy Cline dont le Crazy (indice 1) nous fait chaud partout. Regard sans complaisance sur les années 50, Sweet Dreams est aussi un immense film d'acteurs - Jessica Lange et Ed Harris (question et indice 2) y trouvent chacun leur meilleur rôle. Je défie quiconque de ne pas écraser une larme (non, pas un pet, Clark Clownil !) à la scène finale.